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Comprendre sa Learning Culture 4/4 – Apprendre au contact des autres

Ceci est une reprise de discussions entre Laurent Balagué, Product Strategist & Learning Impact Business Product Owner de Docebo, leader de l’évaluation d’impact de learning, et Agnès Le Leuch, consultante indépendante, spécialisée en Learning|Facilitation|Management des opérations.

Depuis la révolution industrielle, « l’ENTREPRISE forme» ses collaborateurs. Depuis ma naissance, « JE apprends». Changement de sujet dans le monde de la formation professionnelle.

Le développement des compétences devient explicitement une co-responsabilité, partagée entre l’individu et l’organisation. D’une part, pour assurer la performance de l’individu et du collectif, et donc le développement sur le long-terme (durable) de l’organisation. D’autre part, pour assurer l’employabilité de l’individu et donc le développement durable de la société.

Convergence d’intérêts. Bonne nouvelle !

Enfant nous avons appris plus, même si moins consciemment, de nos expériences du monde et de nos interactions avec les autres, que de nos éducateurs. Adulte, au travail, nous apprenons chaque jour de nos échanges humains, plus que des formations organisées pour nous. Tout au long de notre vie, nous apprenons des autres, de ce qu’ils nous transmettent, de ce que nous leur transmettons, de ce que nous créons ensemble.

« Quand l’un transmet, deux apprennent » Robert Heinlein*

Cette apprenance collective, au-delà des ressources et opportunités mises à notre disposition par notre entreprise (cf. conversation 3/4), est partiellement conditionnée par notre propre agilité d’apprenance (cf. conversation 1/4) et par le contexte que créé notre manager (cf. conversation 2/4).

Ainsi, les quatre dimensions du Learning Culture Index de Docebo sont systémiquement liées. Dernier échange avec Laurent Balagué, Product Strategist & Learning Impact Business Product Owner de Docebo. Dernière étape de notre voyage apprenant.

Apprendre est d’abord une activité sociale

Laurent Balagué : « Partager et apprendre au contact des autres ». C’est la quatrième dimension que nous caractérisons lorsque nous qualifions une Learning Culture. Ou la première, puisque de toutes façons il n’y a pas d’ordre ! C’est celle qui permet de parler de « culture ». C’est organique, presqu’un capital intangible. La Learning culture d’une organisation n’est pas la somme des Learning Agility des personnes qui composent cette organisation. C’est bien plus.

Comme nous le précisent Watkins & Marsick “ L’apprenance organisationnelle n’est pas la somme de l’apprenance des différentes personnes qui composent cette organisation. Et pourtant, chacun des individus porte en lui un portrait microcosmique de l’organisation dans son ensemble »

Agnès Le Leuch : En d’autres termes, je dirais que l’apprenance organisationnelle est une émergence du système humain qu’est cette organisation. Ce sont ses émergences qui permettent à un système d’être plus puissant que la somme des puissances de ses parties. C’est ce que nous enseigne la pensée complexe d’Edgar Morin. C’est aussi ce que m’ont enseigné mes années de management d’équipes opérationnelles. Une équipe est plus forte que la somme de ses parties… surtout si elle est apprenante !

LBalagué : Oui, ainsi, développer les capacités d’une équipe à partager et apprendre les uns des autres, c’est déclencher l’apprenance collective en plus des apprenances individuelles. C’est le nerf de la guerre.

ALeLeuch : Plutôt le nerf de la paix, non ?

LBalagué : Tu as probablement raison, vaste sujet qui mériterait d’autres discussions ! Mais revenons à notre Learning culture. Il est une multitude de choses que nous apprenons des autres :

des informations et des connaissances, notamment par des échanges digitaux mais pas seulement
des savoir-faire, dans une logique de compagnonnage
des opinions et points de vue, qui nourriront l’évolution des comportements et l’engagement dans les transformations.
Ce qui peut être frustrant pour une entreprise, c’est que ces échanges et ces apprentissages sont très organiques. Depuis quelques années des outils se développent pour favoriser et quantifier directement l’apprentissage informel. Intention compréhensible, mais mise en œuvre discutable. D’abord c’est très partiel, car on mesure surtout les activités digitales et seulement une partie mineure de cette activité, liée aux LMS et autres plateformes Learning centralisées. Ensuite, éthiquement, cela questionne, c’est une intrusion plus ou moins explicite dans la vie digitale des collaborateurs.

ALeLeuch : C’est pour cela que je trouve plus efficace de travailler sur les environnements qui facilitent cette apprenance collective, plutôt que d’essayer d’être directif sur le fait que les gens apprennent les uns des autres. Beaucoup de leviers peuvent être activés par l’entreprise. D’abord, la configuration des espaces de travail, digitaux et physiques, est déterminante sur les relations donc sur l’apprenance collective. La pratique de la facilitation m’ont appris à utiliser les murs d’une salle pour partager des informations, réfléchir et apprendre ensemble. Je vois trop de salles de travail collaboratif très très belles, très très digitales mais peu modulaires et « multi-modales ». Sans parler des enfilades de bureaux individuels qui empêchent la circulation organique des connaissances ; ou, à l’opposé, du diktat de l’open space qui ne permet que la circulation des données, pas les conversations puissantes, qui exigent une espace de sécurité psychologique. Ajoutons à cela maintenant le travail en visio-conférence, l’informel à distance … On a encore beaucoup à apprendre !

On peut aussi travailler sur les rites des équipes comme la pratique systématique des retours d’expérience. Je me souviens de cette équipe qui prenait 1 heure à la fin de chaque peak season (2 mois qui représentaient jusqu’à 40% des ventes annuelles). Cette conversation collective, facilitée, leur permettait de comprendre ce qu’elle avait mieux fait que l’année précédente et d’identifier les axes d’améliorations prioritaires avant la suivante. C’était une des heures les plus utiles à la performance de l’année suivante !

LBalagué : Oui, les lieux, les rites de collaboration sont déterminants de la manière dont nous partageons et apprenons les uns des autres. Ce sont d’ailleurs des expressions et des déterminants de la culture plus générale de l’entreprise. La Learning culture sera donc dépendante de la culture de la collaboration en général et du droit à l’erreur.

ALeLeuch : Donc de la culture du feedback !

Culture du feedback/ Learning Culture, l’œuf ou la poule … aux œufs d’or !
LBalagué : La culture du feedback, c’est l’un des ingrédients clés d’une Learning Culture effective. Le développement de la culture du feedback est d’ailleurs une des priorités des équipes RH et L&D depuis longtemps maintenant.

ALeLeuch : Et peut-être la priorité la mieux partagée avec les managers opérationnels. Alors que le sujet de la Learning Culture est encore un peu confidentiel, l’enjeu du feedback est maintenant largement compris !

LBalagué : Oui, car c’est un outil de management autant qu’un outil de développement. Et c’est une pratique indispensable pour progresser dans son rôle de manager coach, et plus largement pour améliorer la performance et la Learning Culture de son équipe. Nigel Paine nous décrit d’ailleurs un environnement apprenant ainsi “… developper la confiance, donner constamment du feedback, et permettre des discussions ouvertes et directes sur les erreurs, sans blâmer. Développer ces 3 comportements, systématiquement, à travers l’organisation fera une grande différence. »

ALeLeuch : Pourtant, à être dans toutes les phrases, le mot est parfois dévoyé. Je vois des managers et même des RH ou des coachs qui utilisent le mot « feedback » pour qualifier ce qui est en réalité un re-cadrage ou un ordre. Je me souviens, quand j’étais manager, cette phrase qui me faisait sourire et m’agaçait « Je t’appelle pour te donner du feedback sur Albator, dans ton équipe ». Ce qui signifie « Je ne suis pas content de ce qu’a fait ou dit Albator. Merci d’y mettre bon ordre ! ». Etymologiquement, « feed-back » signifie nourrir par un retour. Il y a feedback s’il y a intention de permettre à l’autre de se nourrir, de grandir, et pas uniquement d’ajuster une performance. C’est donc forcément une opportunité d’apprenance quand c’est réellement un feedback. Nous avons déjà discuté de feedback dans la dimension managériale de la Learning Culture (cf. post 2/4). Encore une fois, on connait maintenant des techniques efficaces, comme le STAR model, qui permettent de rapidement appendre à faire des feedback apprenants, à ses équipes, à ses pairs et même à sa hiérarchie ! Quel que soit l’exemplarité de sa propre hiérarchie sur le sujet d’ailleurs, quasi systématiquement cité comme le frein principal. Mais cela demande du courage !

LBalagué : Oui, c’est puissant et actionnable, donc pourquoi s’en priver ?! Quand une équipe devient un groupe humain où chacun donne du feedback, positif et correctif, spontanément, aux membres de l’équipe comme à tout son eco-système, dans une forme qui permet que cela soit entendu, il n’y a plus de limites à ce que cette équipe est capable d’apprendre !

ALeLeuch : On peut se le dire, alors ?? Comprendre et développer sa Learning Culture, pour une équipe, c’est aussi (surtout ?) se donner les moyens de devenir ce qu’on a envie de devenir, ensemble. Et pourquoi pas participer à un monde plus juste.

LBalagué : On veut se le dire. Et donc … Champagne !